1.Souvenirs de la rue derrière l’église, Khemissi Nouari (KN)
2.Souvenirs de la rue principale par S.A.H
1.Souvenirs de la rue derrière l’église
(EXTRAIT)
Chapitre I. Chez la dame corse
A la fin des années cinquante, lorsqu’un visiteur arrivait au village de Colbert par le nord, et après avoir dépassé le sommet d’une petite côte, il découvrait en premier la forge du sieur Bezert et l’élégant collège de garçons alors transformé en caserne, puis une trentaine de maisons basses, toutes de dimensions identiques et flanquées de vastes jardins potagers à l’arrière.
Quoiqu’elles fussent modestes et qu’elles n’eussent pas dépareillé un quelconque village de Provence, ces vieilles fermes aux toits de tuiles rouges, bâties depuis plus de cinquante ans et regroupées en quatre pâtés égaux sur une distance de plus de quatre cents mètres de part et d’autre de la rue principale, n’étaient pas moins devenues au fil du temps et surtout grâce à l’urbanisation récente, de charmantes villas rivalisant de coquetterie.
Dans une guirlande presque continue, un foisonnement de rosiers, églantiers, jasmins, belles du jour, lilas, et autres lauriers roses se déroulait sur le fond blanc pur des murs chaulés et offrait à la vue du visiteur enchanté une palette de couleurs à inégalée. De part et d’autre de la chaussée, une plantation de mûriers, de robiniers et de micocouliers alignés au cordeau achevait de donner à l’ensemble une impression d’ordre.
Derrière la plupart des clôtures au style varié, les occupants de ces demeures avaient disposé des meubles de jardins en osier ou en fer forgé, dans les coins les plus ombragés. Cela laissait deviner une vie calme et paisible. Certaines maisons possédaient même des tonnelles, toutes envahies par le lierre.
Le visiteur reconnaissait alors et sans s’y tromper le quartier européen du village.
Quoique situé en retrait du centre du bourg, loin de tout commerce, il n’était pas moins l’endroit le plus urbanisé du village puisque rien n’y manquait : il y avait le tout-à-l’égout, l’eau courante, l’électricité dans les foyers et les trottoirs étaient bitumés et bien propres.
Une atmosphère de quiétude y régnait perpétuellement, rythmée par l’inlassable murmure des fontaines-abreuvoirs qui délimitaient les pâtés de maisons. De temps à autre, le tintement d’un marteau sur l’enclume, le lointain meuglement d’une vache ou l’aboiement sourd et vite réprimé d’un chien venaient parfois perturber cette sérénité.
Ce quartier concentrait alors presque toute la richesse de la commune, mais force est d’avouer qu’en ces temps–là, les gens du village étaient bien loin de rouler sur l’or ; les terres des haut–plateaux sétifiens, âpres et avares, se laissaient difficilement dépouiller de leurs fruits, sans parler de l’imprévisible sécheresse ou des funestes invasions de criquets qui réduisaient à néant tous les efforts.
Un combat perpétuel, perdu d’avance, opposait l’homme à une nature aussi hostile qu’ingrate. De ces terres dures et arides, l’on ne pouvait tirer après moult difficultés qu’une bien maigre pitance, juste suffisante pour assurer la subsistance de ses enfants dans l’attente de jours meilleurs ; et en raison du dénuement extrême dans lequel vivait la population du village et des hameaux environnants, le commerce s’avérait trop peu rémunérateur pour qu’on s’y hasardât.
Aussi le village ne comptait-il pas plus de quatre épiceries et un boucher mais cela était suffisant.
Et comme pour arranger -à moins que ça ne soit pour punir- à la fois les gens venus du Nord et les autochtones, le climat y mettait largement du sien : aux hivers caractéristiques des hauts-plateaux, alternant blizzard et gel, succédaient des étés dominés par le brûlant sirocco, démesure de la nature qui les rendait tous aussi insupportables l’un que l’autre et achevait de rendre, pour le moins, pénible la vie dans cette contrée à l’orée du désert.
A cette époque-là, une faune disparate grouillait dans le village: on y rencontrait des colons indigents et besogneux qui pressuraient des indigènes encore plus misérables qu’eux, une engeance de nouveaux colons qui s’enrichissait dans les antichambres des tribunaux en spoliant à leur tour d’anciens colons, et quelques indigènes nantis, caïds et bachagas qui rançonnaient jusqu’à l’os leurs semblables.
Il y avait aussi une foule de ronds-de-cuir, instituteurs, clercs de notaire qui naviguaient entre les deux communautés. Il y avait des artisans, maréchaux-ferrants, forgerons, cordonniers, barbiers, tailleurs, bourreliers-selliers, tous éreintés par un labeur de misère. On y croisait aussi des nouveaux venus, débarqués dans l’espoir de s’enrichir dans un village qui commençait au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale à faire sa mue.
Le seul lien – si lien il y avait – qui paraissait unir tous ces gens est celui d’habiter le même bourg, car, autrement, l’aridité de la nature et la sécheresse des rapports humains avaient fini par produire au bout de quelques décennies deux communautés, apparemment semblables, mais s’ignorant mutuellement et cultivant chacune sa différence.
Faisant partie de la communauté élue et en dépit du dénuement manifeste de la majorité d’entre eux, les colons se faisaient un devoir de paraître fortunés grâce à leur labeur, et les indigènes affectaient de ne pas paraître dans le besoin, nonobstant une situation légale d’infériorité et de pauvreté affligeante; et tous embarqués dans un même radeau, subsistaient – plutôt mal que bien pour les seconds – dans cette contrée oubliée des hommes.
Dans le quartier européen, et jusqu’à une époque récente, on pouvait encore remarquer dans sa partie septentrionale, une propriété qui paraissait n’avoir jamais changé depuis sa construction : la maison de Mme Cortegianni.
De toutes les demeures qui l’entouraient, avec son mur d’enceinte en briques de terre crue lessivées par les intempéries, elle était l’une des rares maisons coloniales à être restée telle qu’elle fût bâtie naguère, et à avoir conservé pour toujours son aspect rustique de vieille ferme.
Vue de l’extérieur, abstraction faite de l’aile gauche, la maison apparaissait fort humble et eut pu même se fondre aisément dans le quartier arabe.
Et c’est en direction de cette demeure qu’en ce doux matin d’avril, étroitement accolé aux jupons de sa tante Louisa, le gamin cheminait à petits pas, émerveillé à l’idée d’aller explorer à quelque pas de chez lui un autre monde, un monde plein de mystère, celui des européens et il était bien fier de sa tante.
Lorsqu‘ils eurent dépassé l’école des filles, à hauteur de la fontaine Jaulin, du nom du colon qui habitait à proximité, à l’endroit même d’où naissait la départementale partant vers l’est, il pointa le doigt vers une maison puis vers une autre et, comme pour impressionner sa tante, il s’exclama en lui tirant la robe :
– Tante Louisa, est-ce que tu reconnais cette maison ? Moi, je la reconnais : c’est celle de Suzanne, et l’autre à côté, c’est celle de Maurice, là où nous achetons notre lait.
La voix de l’enfant brisait le silence matinal dans un écho prolongé.
Louisa ne l’écoutait qu’à moitié ; perdue dans le cours de vagues pensées, elle se contentait de hocher la tête, sans mot dire. Sa haute silhouette maigrichonne dominait l’enfant et le faisait paraître encore plus minuscule à ses cotés.
– Il a beaucoup de vaches, Maurice, ajouta–t–il, et Suzanne, est–ce qu’elle est riche, elle aussi?
Louisa finit par répondre :
– Quelle question ! Non, Suzanne n’est pas riche, Maurice a beaucoup plus de vaches qu’elle. De plus, comme tu peux le voir, sa ferme est plus grande que celle de Suzanne, et, surtout, il a plusieurs charrues et même un tracteur neuf. En outre, Suzanne est de même plus pauvre que Jaulin, là à droite, qui est lui-même moins riche que Maurice.
De plus, Suzanne n’a pas d’enfants, et avec l’âge, elle ne peut plus travailler, encore moins son mari.
La maison de Jaulin faisait face à celle de Suzanne, et à la seule vue de la bâtisse, on remarquait que le nommé Jaulin était plus fortuné que Suzanne. Les murs étaient crépis et chaulés, le toit semblait avoir été refait récemment et à l’arrière, une petite villa neuve occupait depuis peu le milieu du jardin, en face de la fontaine. La maison de Suzanne, elle, était plus sobre et ses murs barrés de larges lézardes laissaient paraître par endroits les pierres de construction. La palissade du petit jardin de devant était faite de briques récupérées, avec une porte en bois ajouré toute vermoulue, tandis que celle de Jaulin était en fer forgé et agrémentée d’un élégant portail.
Louisa ajouta :
– Et est-ce que tu sais que la femme de Jaulin est la sœur de Suzanne ? ajouta à tout hasard Louisa
La question ne semblait pas intéresser l’enfant dont le cou menaçait de rompre à force de se retourner pour admirer les couleurs éclatantes des fleurs de toutes espèces.
Quelques dizaines de mètres plus au nord, Ils arrivaient devant la propriété Cortegianni.
Cette vieille dame timide qui s’appliquait à rester effacée, ne fréquentant pratiquement personne et ne sortant que pour la messe du dimanche, peu de gens pouvaient se vanter d’en connaître le vrai nom : pour presque tout le monde, elle était simplement « Corsya » autrement dit La dame corse.
Quant à Louisa, son mari décédé, ses propres enfants devenus adultes, elle prit l’habitude de se faire accompagner par l’un de ses innombrables neveux et ce jusqu’à ce qu’il eut grandi. Alors arriva le tour de Omar.
En décidant ce jour–là de l’emmener chez cette dame, Louisa se dit que, se morfondant à longueur de journée dans son quartier, Omar ne pourrait qu’adorer cette maison tranquille et son immense jardin et que de toute façon cela allait lui changer un peu les idées.
C’était la première fois que Omar pénétrait dans la propriété de la dame corse. Il fut profondément impressionné par l’étendue du jardin potager et le foisonnement de végétation qui s’y trouvait.
Dès qu’ils eurent franchi le grand portail de bois, il remarqua qu’une épaisse frondaison masquait le fond et donnait l’impression que le jardin était beaucoup plus grand qu’il ne le paraissait.
Plusieurs espèces d’arbres fruitiers, abricotiers, pruniers, pommiers, s’agençaient sagement dans les allées, encadrant de grands carrés potagers. Une haie de rosiers longeait le chemin d’entrée bordé de fonds de bouteilles, qui descendait en pente avant de tourner à droite et finir au pied d’une charmille de lilas plantée en bordure de l’habitation.
De part et d’autre du jardin, des peupliers au port majestueux dressaient haut leur fine silhouette dans le ciel sans nuages. A gauche, longeant le mur, quelques figuiers étalaient largement leur feuillage trapu et sombre.
L’endroit suggérait l’apaisement, et dans la quiétude du matin, le gazouillis des oiseaux rejoignait le murmure de l’eau cheminant dans les canaux d’irrigation en une paisible symphonie printanière.
L’enfant était époustouflé : il venait de découvrir d’un seul coup un univers inconnu, un paradis insoupçonné.
Ils trouvèrent Mme Cortegianni occupée à des travaux de jardinage, un tablier bleu noué autour de la taille, les cheveux grisonnants relevés en chignon. En dépit de son âge et mis à part un imperceptible déhanchement qui trahissait un début de rhumatisme, elle paraissait assez solide et bien portante.
Elle posa précautionneusement la houe par terre, s’essuya méthodiquement les mains à un pan de son tablier et vint immédiatement à leur rencontre, sourire aux lèvres.
– Bonjour, Madame, fit Louisa.
– Bonjour, Louisa.
La vieille dame semblait plutôt intéressée par l’enfant.
– Qu’il est mignon ! dit–elle en effleurant de la main la joue de Omar.
– C’est le fils de qui ? demanda–t–elle à Louisa.
– C’est mon neveu, répondit Louisa, le fils de ma sœur. Comme il s’ennuyait à la maison, je lui ai demandé de m’accompagner. J’espère que cela ne vous dérange pas, Madame ?
– Oh ! Non, non, fit la dame, bien au contraire. Quel âge a–t–il ?
– Six ans et demi.
– Il va à l’école ?
– Oui, il va à l’école mais depuis quelques mois seulement.
– C’est bien, dit la dame.
Mme Cortegianni prit délicatement l’enfant par la main et le fit entrer dans la maison.
La demeure que laissait à peine deviner une vigne prolifique respirait une atmosphère de calme et de sérénité. Plongé dans la pénombre et le silence, l’intérieur de la maison, sobre mais bien entretenu, exhalait un entêtant parfum de cire fraîche.
La dame prit l’enfant par les aisselles et le fit asseoir sur une chaise devant une table en chêne massif disposée tous près de l’entrée.
– Reste ici, dit–elle en lui tapotant l’épaule, je reviens tout de suite, juste le temps de te ramener quelque chose à manger.
La prévenance de la dame incommoda quelque peu l’enfant.
Mme Cortegianni s’engouffra dans la cuisine tandis que Louisa, un seau d’eau et une serpillière à la main commençait son travail, et, véritable moulin à paroles, emplissait la maison de son bavardage ; et comme personne ne l’écoutait, elle paraissant s’adresser aux murs.
Des yeux, l’enfant fit un rapide tour de la pièce, son regard déplaçant d’un meuble à l’autre, de la fenêtre à la porte, des portraits fixés aux murs au buffet en chêne qui lui faisait face.
Un crucifix pendu au mur attira son regard curieux. Il n’avait pas fini son inspection quand Mme Cortegianni surgit de la cuisine, une assiette chargée de morceaux de poulet rôti dans les mains, qu’elle posa sur la table.
– Tiens, dit–elle à Omar, mange. Vas–y, mange, ne sois pas timide.
Mal à l’aise, le gamin n’osa pas se servir dans un premier temps ; ensuite, il leva la tête pour regarder tour à tour sa tante et Mme Cortegianni qui s’éloigna aussitôt pour éviter de le gêner, avant d’avancer une main timide vers l’assiette. Il saisit une cuisse de poulet et se mit à la croquer silencieusement, tête baissée.
Une saveur nouvelle emplissait sa petite bouche. Jamais il n’avait mangé de poulet rôti. D’ailleurs pour en avoir, il eut fallu posséder une cuisinière, objet parfaitement inconnu à la maison, où le seul moyen de cuisson des aliments restait le réchaud à pétrole, et pour cuire la galette de semoule, le feu de bois ou de broussaille.
Du reste, l’ordinaire de la maison était constitué la plupart du temps de couscous, occasionnellement, de ragoût de pommes de terre et de navets, de soupe de légumes secs ou même quelque fois de rien du tout sinon un bout de galette chaude et un peu d’eau fraîche, lorsque les finances de la maison étaient bien à plat.
En ce moment précis, tandis qu’il dévorait le poulet, il vint à l’esprit de Omar les remontrances habituelles de sa mère devant sa réticence à avaler du couscous au lait : «Qu’est–ce qu’il y a ? Le couscous au lait ne te plait pas? Monsieur voudrait du couscous à la viande ? Sache que dans ce pays et en ce moment, il y a des gens qui n’ont rien à se mettre sous la dent, pas même seul grain de couscous ou un bout de galette calcinée. Vous, les enfants d’aujourd’hui, vous n’avez pas eu à connaître comme nous l’Année de la Famine! »
L’Année de la Famine. Quand la mère prononçait ces mots terribles, un voile de souffrance apparaissait dans ses yeux ; son visage s’assombrissait et prenait une apparence grave, certainement pour mieux souligner la singularité funeste de l’année en question.
Lorsqu’elle lui en parla pour la première fois, Omar avait d’abord tiqué naïvement : qu’est–ce qui prenait aux adultes de nommer une année autrement que par une suite de chiffres et surtout par un nom aussi épouvantable?
Et sa mère de se lancer avec passion dans la narration de cette période effroyable de sa vie, et de raconter que cela se passait au milieu de la deuxième guerre mondiale, à l’époque où elle entrait dans l’adolescence.
Toutes les récoltes étant destinées à soutenir l’effort de guerre, il était interdit aux paysans de constituer de réserves de grain comme ils avaient l’habitude d’en faire depuis des temps immémoriaux. Or cette année–là, une sécheresse inattendue survint, emporta les récoltes, et comme toutes les denrées alimentaires étaient alors rigoureusement rationnées, ici plus qu’en métropole, la population dut se rabattre pour se nourrir sur tout ce qui pouvait être comestible : herbes, feuillage, racines et rhizomes de toutes sortes qui, séchés et pilés, remplacèrent pour de longs mois les céréales dans la confection du pain.
Elle raconta aussi que les gens étaient devenus des êtres faméliques errant toute la journée dans les champs brûlés par le soleil pour glaner quelques grains de blé ou d’orge, et que beaucoup d’individus, des enfants surtout, moururent de faim.
Il y eut aussi deux autres années terribles dont elle gardait également le souvenir : celle du typhus et celle de la tempête de quarante jours.
L’année du typhus vit surgir une épidémie du même nom, qui ravagea la région et provoqua une effroyable hécatombe. Une grande partie de la population indigène fut ainsi décimée et, par charrettes entières, l’on transportait les morts au cimetière. Ils étaient enterrés à la hâte et qui plus est sans qu’on eût le temps de les laver, ni même de réciter sur leurs tombes la rituelle Prière de l’Absent.
A l’intérieur des villes, des villages et des hameaux hantés par la désolation et le spectre de la mort, des bûchers étaient érigés pour brûler les litières et les hardes infestées de poux, dans une tentative vaine et désespérée d’endiguer la propagation de l’épidémie. Partout où l’on portait son regard, on voyait de la fumée s’élever au ciel, signe avant-coureur de l’implacable progression de la mort.
Quant à l’année de la grande tempête de neige, elle eut quasiment le même effet néfaste que l’année de la famine. Une forte tempête de neige était tombée, qui dura presque quarante jours. La couche de neige avait atteint une épaisseur incroyable, telle qu’elle bloquait toutes les issues, forçant les habitants à rester terrés chez eux sans secours, sans chauffage et sans provisions alimentaires. La faim, le froid et le dénuement finirent ainsi par emporter de nombreuses vies.
Curieusement, sa mère assurait que de cette année–là, elle conservait beaucoup plus le souvenir du froid que de la disette, parce que, depuis sa naissance, habituée à ne pas manger à sa faim comme presque tous ses contemporains, c’est d’être transie de froid qu’elle eut à en souffrir le plus dans sa chair.
Lorsqu’elle avait achevé le noir récit de ces années tragiques, pas tant éloignées que cela eut pu paraître, elle concluait dans un soupir :
– Vois–tu, mon fils, quand on comme vous la chance, d’avoir de quoi se remplir l’estomac, il faut ne pas cesser de remercier Dieu de vous avoir préservé de ces terribles fléaux et priez toujours pour que cela continue ainsi.
Omar se disait alors qu’ils avaient bien de la veine d’avoir en ce moment de quoi manger, fut–ce seulement de la semoule, alors il finissait allègrement son assiette de couscous au lait, qu’il répugnait à manger quelques minutes plus tôt.
La dame corse allait et venait entre le jardin et le séjour.
L’enfant continuait à avaler le poulet par petites bouchées tout en faisant des yeux l’inventaire de ce qui restait encore dans l’assiette. Pourtant, il se fut vite rassasié, probablement à cause de la petite collation de semoule bouillie qu’il avait prise le matin.
Il repoussa l’assiette loin de lui et la vieille dame qui passait à coté l’aperçut.
– Tu n’en veux plus ? demanda–t–elle avec prévenance.
L’enfant ne répondit pas. Remarquant de loin sa gêne, Louisa se résolut à intervenir.
– Elle te demande si tu veux manger encore du poulet.
Omar regarda Mme Cortegianni et fit un signe négatif de la tête ; la vieille dame débarrassa aussitôt la table.
Louisa, à genoux, continuait à astiquer soigneusement le parquet, et lorsque la vieille dame fut partie à la cuisine, elle lança à son neveu :
– Est-ce que tu as bien mangé ?
– Oui, répondit–il en descendant prestement de la chaise.
– Tu n’as plus faim ?
– Non.
– Tu veux sortir jouer dans le jardin ?
– Oui, fit timidement l’enfant en hochant de la tête.
– Alors vas–y, dit–elle.
Puis se ravisant au dernier moment, elle le retint par l’épaule.
– Non, attends, il faut d’abord demander la permission à Madame. Qui sait si elle n’est pas d’accord pour t’y autoriser !
Elle se dirigea vers la cuisine et glissa la tête dans l’entrebâillement de la porte :
– Madame, lança–t–elle, est–ce que je peux laisser Omar sortir jouer dans le jardin ? j’ai l’impression qu’il s’ennuie à l’intérieur de la maison.
– Oui, répondit la vieille dame, mais dis–lui de faire attention à ne pas piétiner les planches de légumes.
Il n’y avait nulle rudesse dans la voix. On y décelait plutôt une pointe de gentillesse, voire de la tendresse. La vieille dame ne devait pas être mécontente qu’un gosse vînt égayer cette maison austère et restée trop longtemps plongée dans le calme et la solitude.
– Vas–y, dit Louisa à son neveu en le poussant des deux mains vers la sortie.
Bouillant d’impatience, l’enfant s’élança en direction de la porte et avant qu’il ne l’eut atteinte, Louisa ajouta :
– Surtout, ne touche à rien et fais attention de ne pas piétiner les légumes. Est–ce que tu m’as bien entendu ?
– Oui, oui, lui répondit Omar en s’élançant
– Et fais attention aux figuiers de Barbarie, ils ont des piquants…
Il était déjà dehors, loin de la porte, hors de portée des avertissements de Louisa qui continuaient de fuser de l’intérieur de la maison.
Dûment autorisé, il s’empressa d’aller gambader joyeusement dans le grand jardin. Emerveillé par la profusion de la végétation, il s’enfonça loin dans les fourrés jusqu’à l’étable pour aller contempler les vaches et il n’en sortit que lorsque Louisa vint l’appeler à la fin de son service.
La vieille dame les accompagna jusqu’au portail et lorsqu’il furent sur le point de partir, elle lança à Louisa :
– Au revoir et n’oublie pas de le ramener avec toi la prochaine fois, j’ai une surprise pour lui.
Au seuil de la porte, elle caressa la tête de l’enfant et lui dit :
– Je possède une chatte qui vient de mettre bas depuis une semaine. Lorsque tu viendras la prochaine fois, je te donnerai un chaton.
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Chapitre II. Le quartier de l’église
…La famille de Omar était venue s’établir ici depuis quelques mois seulement, après moult déplacements à travers presque tous les quartiers du village. C’était un quartier relativement tranquille, voué surtout aux commerces, à l’artisanat et aux administrations.
On y trouvait la mairie, le tribunal, la gendarmerie, la prison, la mosquée, l’église, le marché, l’hôpital, ainsi que la maison cantonnière et divers casernements.
Le bourg comptait alors autant de bandes de garçons qu’il n’y avait de quartiers. Chaque bande était invariablement divisée en trois catégories d’âge, chacune dirigée par un chef. Le chef des aînés était de droit le meneur suprême de la bande toutes catégories comprises.
Il y avait entre autres la bande de « Beira » du nom de la Colline qui surplombe le village, celle de «Ceux d’en bas», c’est-à-dire du quartier nord, celle de « Rachid » et enfin celle du « Village », ainsi désignée parce qu’elle occupait le centre du village, ce qui était regardé par les autres comme un grand privilège, mais constituait également un inconvénient: les enfants de la bande du village ne pouvait se rendre dans les autres territoires sans se faire tabasser, tandis que les autres bandes pouvait se rendre sans crainte au village, surtout les jours de marché.
La bande du village occupait les deux pâtés de maisons compris entre l’oued et traversés par la sécante qui partait d’en face du tribunal pour se terminer devant la porte du marché hebdomadaire en passant devant l’ancien hôtel des messageries.
Le coin de jeux que les aînés avaient implicitement affecté aux cadets de la bande avait la forme d’un « T » dont la base commençait près de l’ancien hôtel des messageries et s’étendait à travers la rue où ils habitaient jusqu’à la rue perpendiculaire occupée par l’église Sainte-Croix, la gendarmerie, le bâtiment de l’ancienne remonte et la prison.
Tout était si réduit dans ce territoire, qu’on eût dit que ce qui le composait fut conçu spécialement à leur échelle. L’église était aussi petite que possible en dépit du grand jardin qui l’entourait, et sans le grand mur d’enceinte au sommet duquel couraient les barbelés, la minuscule prison eût passé difficilement pour ce qu’elle était supposée être, si l’on s’en tenait à son toit de tuiles rouges, les balcons fleuris du logement du gardien–chef ou le jardin d’agrément en façade.
A l’opposé, la gendarmerie paraissait beaucoup plus imposante dans son édifice à un étage et sa grande arrière–cour terminée par d’anciennes écuries désaffectées.
Au–delà de la gendarmerie et de l’église, à l’ombre de grands caroubiers, un petit court de tennis, depuis longtemps abandonné, marquait de ce côté–ci la limite entre le village et la campagne qu’on ne pouvait qu’entrapercevoir au–delà des barbelés qui ceinturaient le village.
Ces barbelés effrayaient terriblement les enfants qui évitaient soigneusement de s’en approcher, non par crainte de leurs piquants mais surtout des grenades d’alarme qui y étaient accrochés par endroits. Messaoud le fils du cantonnier, un garçon de la bande de la Beira s’était même fait une spécialité de les faire éclater à distance à l’aide d’un lance–pierre, mais on racontait qu’un enfant a eu un œil arraché par l’explosion de l’une de ces grenades.
Cependant et avec l’aide experte des aînés, qui avaient creusé à certains endroits des brèches à la base des barbelés, il leur arrivait occasionnellement de s’échapper vers l’extérieur, néanmoins la virée bucolique ne dépassait guère un champ situé un peu plus loin où ils allaient débusquer les pigeons nichés dans les interstices d’un vieux puits abandonné.
Il leur était bien loisible de sortir du village ailleurs que sous les barbelés, mais il fallait dans ce cas passer par les postes militaires établis à chaque sortie du village, chose qui n’était pas facile : n’ayant pas de motif sérieux, ils craignaient de se faire repousser à chaque tentative.
Aussi préféraient-ils l’escapade tranquille sous les barbelés, et une fois leur besogne accomplie, ils devaient rappliquer précipitamment au village à cause de la terreur que leur inspirait « Le Sourdingue », colon propriétaire du puits et époux de Suzanne. La rumeur courait qu’il tirait avec un fusil chargé de sel sur tous ceux qu’il surprenait sur ses terres et que cela faisait horriblement mal aux fesses si l’on était touché.
A l’ouest du court de tennis, entre une propriété privée entourée de grands féviers et l’église, se trouvait une petite place publique dont seule l’allée centrale, qui partait de la prison pour rejoindre la rue principale, était bitumée. La place était agrémentée d’une plantation de deux rangées de mûriers et de micocouliers qui, l’été venu, devenaient l’objet de la convoitise et des assauts acharnées des gamins des quartiers avoisinants.
Au milieu de la place, retirée de la chaussée, trônait paisiblement une fontaine flanquée à l’arrière d’un grand abreuvoir pour le bétail, et où tous les habitants du quartier venaient s’approvisionner en eau.
En été, lorsque la canicule terrassait la bourgade, cette vaste place ombragée devenait l’endroit le plus agréable et le plus frais pour se protéger des rayons ardents du soleil. La fête foraine venait parfois s’y installer à la grande joie du père de Omar qui adorait dépenser son argent en jouant à la loterie. Ce lieu habituellement désert s’animait alors et, pour un mois, se métamorphosait en ruche fourmillante et bruyante.
Une grande pissotière circulaire peinte en vert, un micocoulier et un mûrier au tronc énorme terminaient la place publique à l’angle nord–ouest de l’église.
En face de la pissotière, il existait une forge aux murs de pierres nues, d’où s’élevait infatigablement le choc du marteau heurtant l’enclume. Par temps chaud, le forgeron, torse nu, sortait l’enclume et tout son attirail dehors et battait le fer à l’air libre, se donnant ainsi en spectacle aux passants.
De ce qui se trouvait au–delà de la place et de la rue principale, les gosses n’en savaient pas grand chose. C’était en dehors de leur territoire et ils s’y aventuraient rarement si ce n’était en compagnie de leurs aînés ou de leurs parents.
Tout droit, en prolongement du boulevard, et au pied de la colline pelée surplombant le village, surmonté d’un croissant et d’une étoile, le hammam, à l’architecture pour le moins curieuse, pointait son étrange gaine d’aération en forme de minaret.
On pouvait apercevoir, de part et d’autre du boulevard, la mairie au style néo-mauresque entourée d’un jardin aux massifs de fusains taillés en carré, et en face, « le Café de la Mairie » avec sa terrasse couverte. Le café était devenu le principal point de rencontre des colons et par la même occasion le rendez-vous de tous les ivrognes du village.
A hauteur du café, sur les deux côtés de la rue principale, partait vers le nord la longue enfilade de maisons de colons.
Le village était peu peuplé, et excepté la rue principale qui connaissait une relative animation, les autres artères restaient quasiment désertes durant la journée.
Ainsi tapi à l’ombre des micocouliers et des grands pins centenaires, avec ses toits de tuiles rouges et son calme apparent, le village paraissait profondément assoupi dans un sommeil paisible.
Chapitre V. Le pendu
La première rencontre de Omar avec le mystère de la mort et, par la même occasion, avec les affres de la guerre allait se faire quelques jours plus tard d’une façon aussi brutale qu’inattendue.
D’ordinaire, la famille de Omar achetait son lait auprès de Suzanne, l’épouse sèche et acariâtre du « Sourdingue » qui le servait à sa clientèle au travers d’une fenêtre donnant directement sur la chaussée. Un jour, cette dame fit savoir aux clients les moins assidus qu’elle ne pouvait plus satisfaire toute la demande et qu’il leur fallait se débrouiller pour trouver d’autres fournisseurs.
Le père de Omar se rabattit alors sur Maurice le proche voisin de Suzanne ; encore fallait–il aller chercher le lait très tôt, avant que le bétail n’eût été mené en pacage et juste après la lever du couvre-feu.
Aussi ce matin–là et comme chaque matin désormais, Omar et sa sœur Fatima sortirent–ils de la maison, un pot à la main, les yeux presque fermés.
Il faisait nuit encore. Les deux petites ombres cheminaient à petits pas dans la rue déserte et mal éclairée. On percevait le bruit d’un véhicule qui circulait dans les rues adjacentes.
« Le half-track, pensa Omar en reconnaissant le bruit caractéristique du véhicule »
Lorsqu’ils eurent dépassé la clôture de l’église et après s’être engagés dans l’allé centrale de la place publique, alors qu’ils étaient à une vingtaine de mètres seulement de la fontaine, Fatima tira brusquement son frère par le bras.
– Arrêtes–toi !
– Qu’est ce qu’il y a ?
– Regarde, regarde, dit–elle en montrant du doigt le micocoulier qui se trouvait au–delà de la pissotière.
L’arbre était à peine visible, caché en partie par la silhouette noire et ventrue de la pissotière. Omar avança de quelques pas prudents pour essayer de mieux voir. De loin, et malgré ses yeux ensommeillés, il lui semblait distinguer une forme sombre et longiligne qui dépassait de sous le branchage.
– C’est quoi, demanda–t–il à sa sœur sans se retourner.
– Je ne sais pas, répondit–elle.
Elle hésita un instant puis ajouta :
– Suis-moi. Allons voir ce que c’est.
D’un pas circonspect, ils marchèrent en se serrant les coudes jusqu’à hauteur de la fontaine publique. La pissotière n’était plus alors qu’à une vingtaine de mètres et ils percevaient même le ruissellement de l’eau coulant le long des urinoirs.
– Je vois quelque chose, dit Fatima, des jambes, je crois.
Les piètres lumières jaunes de la rue principale n’éclairaient que l’orée de la place publique, laissant le reste plongé sans la pénombre.
Il faut dire que rien n’incitait vraiment à la quiétude. Le silence pesant et l’éclairage blafard achevaient de rendre la scène encore plus angoissante. Les arbres s’alignaient comme autant de spectres sous l’ombre inquiétante du clocher.
Derrière eux, l’obscurité enveloppait le reste du jardin de l’église et le bâtiment de la gendarmerie jusqu’à la prison à l’est, dont seule la toiture émergeait sur le fond sinistre des premières lueurs de l‘aube.
Une vache meugla au loin, qui les fit sursauter ; leur frayeur s’en accrut.
S’étant rapprochés malgré tout, tantôt tenaillés par la peur, tantôt galvanisés par la curiosité, ils apercevaient maintenant, balançant sous le branchage, la partie inférieure d’un homme qui se détachait sur l’arrière plan légèrement plus clair du bâtiment de la mairie au–delà de la chaussée.
A contrecœur et prenant leur courage à deux mains, ils firent encore quelques pas pour parvenir jusqu’au micocoulier.
A peine arrivée au pied de l’arbre, Fatima leva la tête vers la silhouette, ensuite tout se passa très vite. Elle lança un bref cri aigu puis elle lâcha le pot et elle s’enfuit sans se préoccuper de son frère.
Terrorisé, Omar, qui était resté en retrait, lui emboîta le pas en pleurant, les jambes à son cou.
Ils eurent vite fait d’arriver au coin de l’église, et ils couraient maintenant dans la rue où ils habitaient, tandis que Omar, terrorisé, criait sans arrêt :
– Qu’est–ce que c’était ? Qu’est–ce que c’était ?
Les cris et les questions angoissées se confondaient dans le bruit de la galopade.
– Un mort, finit par lui répondre sa sœur en courant toujours.
Loin de rassurer le petit garçon, la réponse le glaça d’effroi. Encore plus terrifié qu’il ne l’était auparavant, il redoubla de vitesse et eut tôt fait dépasser sa sœur.
Arrivés à hauteur de la maison et entraînés dans une folle embardée, ils défoncèrent quasiment la porte de la cour. Dans leur élan, ils buttèrent sur le coté contre le mur avant de retrouver par terre, les jambes en l’air. Ils se relevèrent aussitôt et reprirent leur course dans le corridor.
Alertés par les cris, les parents sortirent rapidement dans la cour à la rencontre des enfants.
– Qu’est–ce qui se passe ? demanda la mère effrayée.
La course démente des enfants s’acheva au milieu de la cour devant leurs parents alarmés, qui leur barraient la route. La bouche grande ouverte, ils tentaient à présent de reprendre leur souffle avant de parler.
La respiration presque coupée, Fatima répondit d’une voix haletante :
– On vient de voir à coté…
Haletante, elle se tut instant avant d’ajouter :
– On a vu le cadavre d’un homme…
– Où ça, à coté ? demanda impatiemment le père.
Fatima, les mains repliées sur le ventre, était courbée en deux, essoufflée, incapable de prononcer le moindre mot.
– Derrière l’église, un homme…près de la pissotière…, bredouilla péniblement Omar qui sentait son cœur sortir de sa poitrine.
– …accroché à un arbre, compléta Fatima qui venait de reprendre quelque peu son souffle.
Le père resta pensif un instant, la main sous le menton, puis il dit :
– Calmez–vous. Vous êtes en train de me dire qu’il y a dehors le cadavre d’un homme pendu à un arbre ?
– Oui, répondirent en chœur les deux enfants.
– Vous n’avez pas reconnu qui c’était ? Est ce– qu’il y avait des gens autour ?
– Non, répondit Fatima, on ne l’a pas bien distingué à cause de l’obscurité, et on n’a vu personne aux alentours.
– Bon, rentrez, et tant pis pour lait.
Contrairement au souhait de Omar, son père ne sortit pas pour aller voir le cadavre et alla s’affaler sur son lit comme si rien ne s’était produit. Le couvre-feu était levé depuis plus d’une heure, mais on n’était jamais trop prudent.
Les enfants entrèrent se reposer dans la maison, et Omar , terrorisé n’ouvrit plus la bouche. Ce n’est que plus tard dans la matinée quand son cousin Miloud vint l’appeler qu’il consentit de sortir de son mutisme.
Il accosta vivement son cousin :
– Fatima et moi, nous avons vu un homme pendu près de la pissotière.
– Je viens de l’apprendre, l’interrompit son cousin, tout le monde en parle dehors.
– Tu l’as vu ?
– Non, pas encore. Et si on y allait ?
La terreur du matin ne s’était pas totalement dissipée, mais il se dit que le soleil était assez haut dans le ciel et qu’il se sentait le courage d’aller voir de près la cause de son effroi.
Il sortirent donc et prirent la direction de la pissotière. Il y avait peu de monde autour du supplicié et les quelques personnes présentes se tenaient à distance de la scène macabre.
Lorsqu’il furent en vue du cadavre, toute peur avait subitement quitté Omar , remplacée par un sentiment étrange, comme s’il s’était trouvé transporté dans un autre monde ; Il ressentit un sentiment d’irréalité le submerger tandis qu’il faisait, pour la première fois, connaissance avec le mystère de la mort.
L’homme qui pendait au–dessus de leurs têtes devait avoir une quarantaine d’années, de courte taille, assez solidement constitué. Il était torse nu, le visage tuméfié, le ventre ballonné et l’on avait placardé sur son ventre une inscription que ni Omar ni Miloud ne parvinrent à déchiffrer.
Il portait un pantalon de velours vert olive tout recouvert de poussière et si usé qu’il faisait apparaître la peau par endroits. On eût dit qu’il avait été traîné sur une longue distance.
La foule était silencieuse, plongée dans une lourde ambiance de recueillement et d’inquiétude. Debout, au seuil du Café de la Mairie, quelques européens observaient de loin la scène, redoutant sûrement de se mêler aux arabes.
– C’est un fellaga, laissa tomber à voix basse quelqu’un au milieu de l’assistance après s’être assuré par un coup d’œil jeté à la ronde que ses paroles n’allaient pas tomber dans des oreilles espionnes.
A ces mots, les enfants se mirent à dévisager minutieusement le corps : quoique mort, ils avaient bien devant eux un de leurs héros, ceux qui peuplaient leur imaginaire ; mais une question se mit à les tourmenter : comme tous les moudjahidine, ses compagnons, n’était–il pas censé être invincible ?
Pourquoi s’était–il laissé capturer ? Pour les gamins, une légende s’écroulait mais ils se dirent qu’il était devenu maintenant un martyr et qu’il irait droit au paradis.
La nouvelle s’était rapidement répandue dans le village faisant accourir les villageois.
La plupart de ceux qui arrivaient à cet endroit s’arrêtaient pour jeter un bref coup d’œil au pendu et repartaient aussitôt, souvent bouleversés, rarement impassibles, néanmoins le désarroi se lisait incontestablement sur tous les visages.
Le temps passait ; toutefois, les enfants et le reste des villageois ne bougèrent guère de là jusqu’à ce qu’une jeep s’arrêta devant eux dans un long crissement de pneus. Le commandant de la garnison du village venait d’arriver.
Vraisemblablement en colère, il ordonna d’une voix sèche aux soldats qui l’accompagnaient de détacher le cadavre et de le mettre à l’arrière d’un camion qui suivait.
Un soldat grimpa rapidement au micocoulier et entreprit de détacher la corde et le cadavre tomba lourdement sur le plateau du camion.
A la vue du cadavre que les militaires transportaient, désarticulé tel un pantin, Omar ressentit un pincement dans le cœur.
Une fois le corps décroché et placé à l’arrière du véhicule, les militaires repartirent dans un tourbillon de poussière et la foule commença à se disperser.
Un peu plus tard, alors qu’il s’était agenouillé au milieu de la chambre, occupé à jouer avec une petite voiture en métal, l’oreille en coin, il entendit son oncle Ali, en visite à la maison, affirmer d’un ton grave à son père :
– Ce qui est sûr c’est que ce ne sont pas les militaires qui ont pendu le moudjahid.
– Qu’est–ce qui te dit que ce ne sont pas les militaires qui l’ont exécuté ? Ce sont bien eux qui l’ont capturé, non ?
– Oui, répliqua Ali, mais tout le monde a vu combien le commandant était hors de lui lorsqu’il est venu détacher le corps. Si c’étaient ses troupes, je ne crois pas qu’il aurait réagi ainsi.
– Selon toi, qui aurait donc fait cela?
– Il est certain que ce sont les militaires qui l’ont capturé, mais, comme d’habitude, ils ont dû l’avoir remis au Deuxième Bureau pour l’interrogatoire. Qui l’a pendu ? Je ne sais pas. Santo et ses copains, peut–être. Ou bien les gens du Deuxième Bureau : Guérin, Rabaud, Martinez.
Il observa une courte pause, juste le temps de reprendre son souffle puis il ajouta :
– D’ailleurs, selon certaines personnes qui ont vu la scène, le moudjahid aurait été traîné durant une bonne partie de la nuit, attaché par une corde à l’arrière d’un véhicule. C’est certainement après sa mort qu’il a été pendu.
Santo, Omar le connaissait. Son père l’avait emmené deux ou trois fois au Café de la Mairie tenu par le dénommé Santo : un fort à bras rubicond qui prenait un malin plaisir à dresser ses clients ivres l’un contre l’autre et à rire de les voir s’entre–déchirer en conséquence.
Guérin, il le connaissait également pour l’avoir vu souvent passer seul au volant d’une jeep : un personnage sec au teint cireux et aux yeux perçants, qui, pareil à une vipère, répandait la crainte dans son sillage.
– Et puis, tu sais, ajouta son oncle, les militaires lorsqu’ils tuent quelqu’un, ils s’arrangent toujours pour déguiser cela en tentative d’évasion. C’est pourquoi je pense que ça ne peut être que le deuxième bureau ou les ultra de Santo, voire les deux à la fois. Ils l’ont tué et exposé ainsi pour l’exemple, autrement dit, pour frapper les esprits.
« Le Deuxième Bureau, c’est quoi au juste ? » se demanda Omar en propulsant d’un geste vigoureux la voiture qui dévia de sa trajectoire et partit heurter le mur de la chambre.
Chapitre VI. Belhat le bourrelier
Le soleil du matin augurait d’une journée éclatante, balayant derrière elle les derniers jours glacés du début de printemps qui avaient rudement éprouvé les habitants du village.
De tout l’hiver, c’était cette période appelée la ‘ftira’ que redoutaient le plus les gens du village car le froid glacial redoublait d’ardeur au sortir de la saison froide. De violentes bourrasques accompagnées d’un vent vif apparaissaient par intermittence pendant presque deux semaines. La sagesse populaire prétendait que c’est durant cette période seulement que le sanglier hiberne ou que la chèvre ressent le froid.
Toutefois ce jour-là avait de quoi faire oublier aux gens le mauvais temps passé. Le ciel était si pur qu’on eût dit une immense voûte peinte en bleu azur. Une douce chaleur balayait la rue qui commençait à s’éveiller. Sur les toits et au faîte de l’énorme cyprès trônant dans la cour du voisin d’en face de Omar, les cigognes claquetaient allègrement et les oiseaux semblaient plus nombreux à chanter. Au sortir de l’hiver, les arbres s’étaient parés du vert le plus éclatant qu’il soit.
Les enfants lézardaient paisiblement au soleil, assis au pied d’un poteau électrique, à l’angle de la villa de Mr Weber surnommé « l’Allemand », directeur de la société des marais salants. Lui et sa famille étant souvent absents, les enfants allaient papoter tranquillement devant sa maison sans risque d’être inopportunément dérangés.
De plus, assis à l’angle de la rue, ils étaient visibles depuis la remonte, dans le cas où un soldat avaient besoin d’eux pour s’acheter de cigarettes, ce qui constituait une source appréciable d’argent de poche, et ils se trouvaient également en face de l’atelier de Belhat le bourrelier, qui les employait à l’occasion pour carder le crin.
Après une heure d’immobilité, l’ennui commença à gagner les enfants.
- Et si on allait chasser les oiseaux ? Suggéra Smail au bout d’un long moment de silence.
A peine avait-il prononcé ces mots que les cloches de l’église Sainte-Croix se mirent à sonner, annonçant l’office du dimanche.
– Hé ! Regardez, dit Cherif en pointant du doigt le jardin de l’église, les Roumis vont prier. Ils arrivent ! On y va !
Dans leur univers semé d’ennui, chaque messe du dimanche était devenue une occasion de divertissement pour les enfants qui allaient observer avec amusement la procession de fidèles.
Ils se dirigèrent en courant vers l’église, et derrière la palissade, à travers un massif de lilas qui les cachaient en partie, ils observaient le cortège d’européens en habit du dimanche, qui arrivait marchant derrière le curé dans l’allée centrale entre deux haies de rosiers.
Lorsque le prêtre fut arrivé devant le parvis, les enfants se mirent à réciter à toute vitesse d’étranges incantations en se frottant le sommet du crâne avec la paume de la main droite :
«Ma n’fartess ma n’boul. Faites que je ne devienne pas chauve, faites que je ne pisse pas! »
Le curé s’affairait à ouvrir grand la porte de l’église tandis que la foule de fidèles attendait patiemment au pied du perron. A quelques mètres d’eux, derrière la clôture, l’incantation se poursuivait inlassablement à mi-voix:
«Ma n’fartess ma n’boul. »
– Pourquoi doit–on dire ça ? questionna à brûle–pourpoint Cherif.
– T’occupes pas, continue à réciter comme moi! lui répondit Smail, il faut réciter cette phrase lorsque tu vois le curé. . Je ne sais pas d’où ça vient mais j’ai toujours entendu les aînés la prononcer au passage du curé.
Il reprit sa respiration puis il ajouta :
– Si tu ne dis pas ces mots en voyant le curé, tu vas devenir chauve et tu vas pisser dans ton lit ! .
Se voyant déjà avec une tête lisse comme une boule de verre, le pauvre enfant se remit à ânonner à toute vitesse l’ésotérique formule et en y mettant plus de vigueur et d’application que ne l’eussent fait ses compagnons.
Tout à coup, Omar sursauta : parmi les fidèles, il venait de repérer la dame corse et craignant qu’elle ne le vît, il recula pour mieux se dissimuler derrière ses compères. Il ne voulait pas apparaître aux yeux de la dame comme un petit voyou mal élevé ; il tenait surtout au chaton qu’elle lui avait promis.
– Pourquoi te caches–tu, lui demanda Smail.
– Je viens d’apercevoir la dame corse, répondit Omar, si elle me voit, elle me dénoncera à tante Louisa.
– Mais nous sommes bien cachés, ici, dit Smail, ils ne peuvent pas nous voir.
Le cortège avait presque entièrement pénétré à l’intérieur de l’église lorsqu’une forte voix derrière eux les fit tressaillir et se retourner en bloc.
– Hé ! Fichez le camp d’ici !
Ils aperçurent à quelques mètres d’eux, le garde–champêtre Fritschi qui s’apprêtait à garer sa bicyclette sur le trottoir avant de se lancer à leur poursuite, mais ils eurent vite fait de détaler dans une indescriptible panique.
– Bandes de voyous, bougonnait–il en courant, fils de p…
Dans leur fuite éperdue, ils piétinèrent le tas de crin que Belhat le bourrelier avait entreposé dans la matinée près de sa porte.
Ils disparurent rapidement au coin de la rue, sous les invectives du bourrelier et la pluie d’imprécations du garde champêtre qui, essoufflé au bout de quelques foulées et incapable d’aller plus loin, avait renoncé finalement à les poursuivre.
Les gamins ne craignaient pas vraiment Fritschi, ils redoutaient plutôt Laifa, l’autre garde–champêtre, qui les malmenait lorsqu’il les trouvaient traînant dans les rues, mais ils avaient rarement affaire à lui car il ne prenait son service que l’après–midi à l’heure de la sieste.
Avec Fritschi, il suffisait de fuir rapidement ; Laifa, lui, il les poursuivait à bicyclette jusqu’au seuil de la maison et les dénonçaient à leurs parents qui ne se faisaient pas prier pour leur administrer une raclée.
Dès que Fritshi fut parti, ils ressurgirent dans la rue à l’instant même où Belhat le bourrelier apparut devant la porte de son local. Coincés, ne sachant ou fuir, ils se décidèrent à l’affronter dans le vague espoir d’obtenir son pardon.
En tant que chef de bande et surtout poussé en avant par ses camarades, Smail parla en premier :
– Excuse–nous, oncle Belhat, comme Fritshi nous courait après, il ne nous était pas possible de voir le tas de crin que tu as entreposé à l’angle de la rue.
Ensuite, il montra du doigt la chaussée::
– Regardez ce que vous avez fait. J’ai maintenant du crin éparpillé partout dans la rue. Comment vais–je faire pour le ramasser ?
Le bourrelier exagérait. Il n’y avait pas tellement de crin dispersé : quelques petites touffes seulement gisaient, dispersées çà et là sur la chaussée. Toutefois, s’adressant au bourrelier, Omar proposa ingénument :
– Oncle Belhat, laisse-nous faire. Nous allons le ramasser nous même, et si tu as du crin à carder, nous sommes disposés à travailler pour nous faire pardonner…
Smail manqua d’étouffer son cousin par le violent coup de coude qu’il lui donna à l’estomac pour le faire taire. Il marmonna entre ses dents :
– Qu’est–ce qui t’a pris de lui offrir de travailler pour ces quelques malheureux brins répandus par terre ?
Mais Belhat ne les écoutait même pas. Il franchit le seuil de son local avant d’ajouter :
– Je n’ai pas besoin de votre aide et ne recommencez pas. Mais si vous voulez travailler quand même, retroussez vos manches et suivez–moi, j’ai du boulot pour vous.
En s‘éloignant, et comme pour vaincre l’hésitation des bambins, il fit tinter malicieusement l’argent dans sa poche de gilet et dit :
– N’ayez crainte, je vous paierai.
Puisqu’il était question de payer, les enfants ne se firent pas prier deux fois et lui demandèrent aussitôt ce qu’il attendait d’eux.
Souvent, quand ils n’avaient pas le sou, ils venaient rôder près du bourrelier et de son voisin le ferblantier qui les faisaient travailler pour quelques centimes, l’un pour carder le crin végétal qui servait à garnir indifféremment les matelas et les selles, l’autre pour actionner le soufflet de la petite forge.
– Venez par ici, dit le bourrelier en leur faisant signe d’entrer dans la boutique.
Il leur montra deux bottes de crin empilées à l’intérieur du local dans un coin sombre.
– Si vous réussissez à les carder en une heure, je vous donnerais vingt centimes chacun. Je dis bien en une heure, parce que j’ai deux matelas à rembourrer avant midi et une selle à faire ce soir.
Les petits se dévisagèrent réciproquement. Vingt centimes ! C’était une véritable fortune : de quoi s’acheter une quarantaine de caramels mous pour chacun d’entre eux ! Ils se dirent qu’en une heure, ils auront vite fait d’expédier le travail.
Aussi se dépêchèrent–ils de traîner hors de la boutique les deux bottes pour les placer à proximité immédiate de la cardeuse installée sur le trottoir face à l’église.
Tandis que le bourrelier s’appliquait à ramasser les touffes de crins éparpillés dans la rue, les enfants éventraient les bottes pour se mettre aussitôt à l’ouvrage.
Trop amusés par le va–et–vient du balancier munis de peignes, qu’ils actionnaient tour à tour à l’aide d’une large poignée, assis à cheval sur un banc fixé à la cardeuse, le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’avaient nullement l’impression de travailler. Ils faisaient plutôt de la machine un instrument de jeu, et parfois, après s’être assuré que le bourrelier était occupé, l’un d’eux montait sur le balancier pour s’offrir gratuitement une partie de balançoire.
Quand l’un des gamins donnait des signes de fatigue, les deux autres se bousculaient pour le remplacer au pied levé.
De temps à autre, le bourrelier s’octroyait une pause. Il abandonnait ses aiguilles et ses matelas et venait s’enquérir de l’avancement du travail. Les enfants donnaient alors le change en s’appliquant dans la tâche et en redoublant d’efforts. L’artisan faisait des remarques, pestait contre la manière de travailler des enfants, donnait de brèves recommandations puis il retournait rapidement à son ouvrage.
Ils en étaient ainsi débarrassés pour une bonne demi-heure avant la prochaine inspection.
Et à mesure que le temps passait, le tas de crin cardé prenait du volume jusqu’à encombrer le trottoir tandis que les bottes de crin brut allaient en s’amenuisant. Les enfants continuèrent ainsi à besogner avec enjouement jusqu’à ce qu’ils eussent complètement achevé le travail, non pas en une heure comme il l’avait promis au bourrelier, mais en deux heures et demie.
Cependant, bon prince, Belhat mit la main à son gousset :
– Vous avez mis plus d’une heure, mais je vous donne tout de même ce que je vous ai promis. Je ne veux pas qu’on dise que je ne vous paie pas bien parce que vous êtes des enfants.
Il tira de la poche de son gilet en coutil de la menue monnaie qu’il distribua royalement aux enfants :
– Voilà vingt centimes pour toi, Cherif, vingt centimes pour toi, Omar et vingt centimes pour toi, Smail.
Il remit le reste de la monnaie dans sa poche puis, joignant le geste à la parole, il dit :
– Allez, déguerpissez et que je ne vous revoie plus dans les parages.
Au moment de partir, Omar se tourna vers le bourrelier :
– Oncle Belhat, je voudrais te demander quelque chose : c’est quoi, le Deuxième Bureau ?
La question ne manqua d’interloquer Belhat.
Déconcerté, presque en colère, il regarda à gauche et à droite puis il grommela en faisant mine de vouloir frapper les enfants :
– Que Dieu nous en préserve ! Fichez le camp ! Ce sont des choses qui ne vous regardent pas, bande de …!
Khemissi Nouari (KN)
2.Souvenirs de la rue principale ,par S.A.H
J’habite un patelin qui se nomme Ain-Ouelmène.C’était un beau petit village colonial, enfin je veux dire un village construit par d’autres gens que ceux avec qui je vis actuellement à l’âge de cinquante ans.
Parce que, moi, j’y suis né, derrière la maison de Rosa « Lihoudia » quand les autres gens y habitaient encore .J’ai passé mes premiers mois de quadrupède dans ses jupes.
C’était leur cité mais j’y habitais avec ma famille.En face de chez nous , se trouvait le bar de « Marinette » d’où sortait toujours l’odeur d’anisette et où venaient se soûler les militaires.Sincèrement , j’étais vraiment heureux au plus haut degrés.Le nom actuel de la « ville » résonne mal à mes oreilles, un nom vaguement berbère;je préfère l’autre nom « porté » durant un siècle:
Colbert arrondissement de Sétif, département de Constantine.J’adorais tout en lui;ses jardins verts à longueur d’année et leurs senteurs,ses deux ou trois rues calmes et paisibles,ses ruisseaux coulant à longueur d’année.L’eau descendait de la montagne , d’une source centenaire qu’on appelait « Aïn berbega » qui se situait juste derrière le cimetière chrétien.Peut-être que ce sont mes yeux de gamin qui devaient voir cela.Je ne le pense pas.
Car tout a changé; en mal , en recul,en dégradation.Dans tous les domaines:construction , aménagement de la cité , suppression de la nature,destruction des arbres centenaires…Revenons à la poésie et rêvons un peu.J’adorais aussi les jeux qui n’existent plus.
On jouait aux cow-boys et aux Indiens, à »haut les mains ».je lisais « bleck le roc » et tintin.J’écoutais Macias et Johnny »Noir c’est noir » et je fredonnais « Chérie je t’aime… » Chanson dont j’ai appris le refrain parce que, à longueur de journée, un tourne-disque la diffusait dans le café du coin de notre rue appartenant à « Santo », un Corse.
Dans notre village, il y avait une belle petite église construite au fond d’un grand jardin plein de rosiers et de lilas où, durant les vacances d’été, on allait piquer les roses.La bâtisse occupait le un quart de la superficie totale.L’entrée principale, donnant sur une longue allée bordée de troènes touffus, était surélevée de quatre longues marches de pierre.
On pouvait surtout admirer les vitraux en différentes couleurs.La porte avait deux battants .C’est bien plus tard, lorsqu’elle a disparu , démolie pour laisser place au siège da la mairie , que j’ai su que l’église s’appelait « la Sainte croix ».Je me rappelle des « DingDong » de sa cloche , les dimanches et l’arrivée du curé.Juste à côté , de grands et hauts mûriers nous protégeaient de la chaleur de l’été et des rayons brûlants du soleil.Mais où sont-ils?
On passait le temps , durant la sieste ,perchés sur leurs grosses branches dans des sortes de cabanes de Tarzan.Juste en face, une très belle et majestueuse bâtisse abritait les locaux de la mairie et servait aussi d’ »école » primaire rassemblant deux classes.
Des rosiers , des lilas , des fusains en cubes la protégeaient tout autour.A gauche , c’est le jardin public où les Autres dansaient et s’amusaient les samedis soir.
On regardait à travers la clôture de fer forgé.Un peu plus haut , c’était notre mosquée.Une belle et petite mosquée où officiait Si El-Hadi.Elle était de style maghrébin.C’était un architecte italien qui l’avait imaginée et conçue. L’entrée principale donnait sur la Rue principale.
De part et d’autres,deux bancs en ciment s’offraient aux fidèles âgés pour se reposer et attendre l’appel du muezzin.Aux deux extrémités,deux petits locaux servaient de boutiques:à droite c’est le vendeur de dattes et à gauche l’épicerie de Sellami.Comme l’église, trois longues marches mais en marbre,menaient à l’entrée .
Au milieu de la mosquée,un jet d’eau dans un bassin rond,faisait entendre un doux glouglou et les pigeons venaient s’abreuver sur son bord circulaire.Dans mon village, vivaient en parfaite harmonie ,des « Français »,des « Arabes » et des Juifs algériens que, ceux qui parlaient le français nommaient –Israélites-.Et nous parlions tous l’arabe algérien.
Mes gens travaillaient chez ceux qui ont construit mon village.Mes camarades étaient des Autres et des Miens: la différence entre nous était plutôt physique.
Maintenant , tout a disparu.La rivière où j’ai appris à nager et à pêcher n’est plus qu’un oued sec ,plein d’ordures.Les magnifiques jardins et vergers sont transformés en blockhaus de béton.J’étouffe de la pollution des centaines de camions et des milliers de voitures.
Le gazouillement des rouges-gorges et des fauvettes a laissé place au vacarme infernal, nuit et jour, à longueur d’année.
« Juste pour dire… »
Ain-Oulmène,le 30 Avril 2006
8 avril 2014 à 0 h 08 min
quelle fut ma surprise de lire que mon grand père le garde champetre n était pas vraiment des enfants cordialement
20 octobre 2013 à 18 h 58 min
salem alikom aidkom moubarek kol aam w ain oulmene bkhier.special coucou mon frere saleh eddine.sah vous me manque
12 décembre 2013 à 20 h 44 min
je te remercie sousou et excuse moi pour ce retard
un message pour une personne que j’ai beaucoup aimé pour lui témoigner mon soutient et lui rappeler des moments d’enfances inoubliables
pour tous ceux qui ont perdu leur papa
http://www.youtube.com/watch?v=4dOWtsv7814 suite :la suite http://www.youtube.com/watch?v=UWDnlTpEDho
bon écoute.
12 décembre 2013 à 22 h 09 min
Bonsoir,
Merci Salah Eddine pour les vidéos, très émouvant !!!
Je vois rarement des commentaires sur le blog et de plus en plus rarement comme la « distribution d’eau » à Ain-Oulmène.
Où sont nos ami (e)s ??? « Passant,Sid Chikh,KN,Hammoudi,Bent El-karti,Nadia la Colbertoise etc… »
j’espère qu’ils sont tous en bonne santé.
je serai très content de vous lire bientôt !!!!!!
A+++
14 octobre 2013 à 10 h 31 min
A l’occasion de l’aid el adha el moubarek je vous dis aidkoum mabrouk wa koulou 3am wa antoum bi elfi khair
13 février 2012 à 18 h 02 min
C’est l’histoire de l’arroseur arrosé!
A bientôt.
13 février 2012 à 14 h 40 min
hahaha je l’ai déjà essayé et je sais où ça va aboutir
13 février 2012 à 13 h 00 min
Salut Abderr,
la triangulation par satellite est un systeme connu pour la localisation d’un telephone portable et maintenant voila un site qui nous permet à nous d’en tirer profit.
Allez y rentrez un numero et c’est l’hallucination, l’image satellite qui zoom sur le portable recherché!!
http://www.sarpanet.com/moviles/
11 février 2012 à 13 h 56 min
Salut,
Il s’agit de l’oncle maternel de Larbi Herbadji. je sais que son est nom est Mezhoud. il était, je crois, le frère de Abdallah MEZHOUD, le père de Hocine MEZHOUD .
11 février 2012 à 12 h 22 min
Bonjour!! Merci pour ce Blog.
et je vous remercie infiniment pour ces histoires qui nous font découvrir une partie de notre histoire, une partie de notre identité. J’ai une question à vous poser Messieurs. est-ce qu’on un écrivain colbertois?? j’aimerais bien aborder le sujet de la littérature et excusez SVP mon style d’écriture en langue française.
je vois que la littérature est concept commun à toutes les nations. c’est un moyen de définir une société donnée. de cette constatation une problématique surgit: peut-on parler d’une littérature propre à un pays?
pour répondre sur cette question, nous disons que depuis des siècles, l’écriture reflète la culture du peuple qui la produit. en effet, une production littéraire qui appartient à une nation doit être faite dans la langue de cette dernière. l’élément linguistique est donc un critère primordial dans la classification d’une littérature. Si on parle d’une littérature nationale nous devrons signaler la langue dans laquelle l’œuvre est produite. dans ce cas, on dit qu’une littérature française doit être écrite en langue française et une littérature anglaise se fait dans la langue de Shakespeare.
Ainsi, les frontières géographiques qui contournent un pays déterminent probablement les étendues d’une littérature donnée. le lieu géographique est un élément important dans la définition d’une littérature nationale.
mais la littérature est une notion universelle. Nombreux sont les oeuvres littéraires qui appartiennent à différents pays ont abordé la même thématique, en dépit de la distance qui les sépare et la différence culturelle. l’envergure géographique, ne peut pas empêcher le contact des idées. c’est dans ce sens que les deux écrivains Mouloud Ferraoun et Camara Laye ont traité le même thème de l’enfance en plein colonialisme dans leur deux romans: LE Fils du pauvre et L’enfant noir. Tous les deux ont parlé d’une enfance autobiographique pataugeant dans la misère.
Cela prouve que l’amour, la joie la misère, la guère… et tout ce qui soulèvent des sentiments réunit les hommes et les cultures sous le même toit. Donc la littérature est universelle et générale. de plus, un autre dépit peut contrarier la notion d’une littérature nationale qui se définit à travers la langue et le lieu géographique c’est l’exemple de la littérature maghrébine d’expression française. elle est le fruit d’un heurt historique et pourtant elle a tant revendiqué son appartenance aux pays du Maghreb. elle a refusé l’aliénation culturelle.
12 février 2012 à 10 h 18 min
Bonjour
Je pense que la littérature,c’est l’identité propre à une culture,à un pays et à une communauté.
Elle est issue des us et des traditions d’essence propre à chaque société et à chaque langue.
Merci pour la visite .
A+++
10 février 2012 à 19 h 29 min
rappelles moi de ce bonhomme longiligne aveugle qui marchait majestueusement, il s’appellait je croie, Bettiche était -il vraiment non-voyant.Je me souviens vaguement
9 février 2012 à 20 h 07 min
comment va salah eddine comment va la famille rachi…tu savais salah .je discutais souvent avec votre cousin yamine…..espérant que tu te portes aussi bien.le bien bonjour à tous mes amis de colbert .amuses tou bien c’est le moment ou à jamais .salem signé kamel
8 février 2012 à 23 h 06 min
à Hammoudi tu nous manque bcp cher frère,très content de te retrouver!!
et ça fera un bon film avec bcp de succès surtout on s’appuyant sur le poème cité par M.KN
bonne chance.
8 février 2012 à 15 h 53 min
Bonjour Salah Eddine.
« La légende populaire djerbienne (Tunisie)raconte que ce personnage représente un père dont la fillette prénommée Saadia a été enlevée et vendue comme esclave. Il se déguise, se masque et va de village en village divertir les enfants dans l’espoir de retrouver sa fille parmi les enfants attirés par son spectacle. »
ça fera un bon film!
Cordialement