Djamila Debèche (1915-2010), première journaliste féministe d’Algérie

9 octobre 2021

Portrait

Portant le numéro 00320, comme enregistrement à l’état civil algérien, Djamila Debèche est connue pour être la première  femme écrivain de l’Algérie colonisée.

Mais moins comme militante féministe et journaliste de la presse écrite et radiophonique. Si sur le même document il est bien mentionné qu’elle est présumée née en 1926, sans préciser le jour ni le mois, il est encore plus surprenant de relever sur son certificat de décès (N° 831, émanent de la mairie de Paris du XVIe arrondissement) établis le 10/8/2010, qu’elle est née le 30/6/1926.

Ce qui pose problème dans l’établissement d’une étude biographique fouillée autour de cette écrivaine et journaliste algérienne qui a été honorée une seule fois dans son pays d’origine, durant un salon du livre à Sétif (Est du pays) du 7 au 15/5/2009. Pire encore, certains ouvrages (1) sur la littérature francophone africaine et maghrébine mentionneront 1910 comme année de sa naissance. En consultant le journal L’Echo de la Presse musulmane n° 28 du 30/5/1936, suivant les notes biographiques qui suivent, au moment où elle se présenta au journal de M. A. Griessinger (directeur et M. Rachid Kalafat, secrétaire général de la rédaction, elle avait 21 ans.

Elle serait née donc en 1915. La mention de « présumée » qui suit sa date de naissance sur le document algérien, était fréquente dans les déclarations de naissance des pays du Maghreb. Pour les filles, il était plus sûr de ne pas déclarer la date exacte de leur naissance afin de les marier plus jeune et plus vite par rapport à des questions culturelles et sociales bien déterminées. Pour ce qui est des garçons, le problème est plutôt posé vis-à-vis de l’incorporation militaire dans l’armée coloniale. Djamila Debèche, qui est qualifiée sur son certificat de décès de « retraitée »,  est née à Bordj-Khriss ou Okhriss (et non Ghriss), qui est une commune faisant partie aujourd’hui du département de Bouira et non plus de Sétif.

En ce lieu le nom de la première présidente du PEN-Club Algérie, sont totalement ignorés. Elle fut orpheline de père et de mère dès son très jeune âge. Benyahia Benlekriche et Fifi Bent Laâmeche ayant disparu prématurément, dès ses premières années d’enfance elle sera prise en main par sa grand-mère et son oncle maternels. Elle passera les premières années de son enfance au douar (ville) des Ouled Si Ahmed, non loin de la commune mixte de Colbert (aujourd’hui Aïn-Oulemane).

Elle grandira dans la tradition culturelle de la région des Hauts-Plateaux. A l’âge de 7 ans, Djamila prend le bateau en compagnie de son oncle pour Monte-Carlo où il gère un prospère commerce de gros de tissus et de tapisseries.  La Riviera sera pour la petite  Djamila Debèche son espace initiatique vers plus d’émancipation avec l’appui de son oncle, un être ouvert à la modernité occidentale avec un attachement aux valeurs culturelles de la communauté d’origine. A son arrivée au Rocher, Djamila ne parlait pas un mot de français, mais fait plaisir par ses succès scolaires à Imma el-kébira ainsi qu’à khéli (respectivement mon oncle maternel et grand-mère, en arabe usuel).

Debèche n’a que 7 ans en 1922, lorsqu’ elle fut marquée par le Pâques sportifs féminin et les meetings internationaux d’éducation physique qui s’organisaient à Monte-Carlo. Son tuteur, très enthousiaste face à cette ouverture de la petite Arabe à l’humanisme occidental, l’inscrira comme externe à la prestigieuse institution du Pensionnat Saint-Maur. Elle ne décevra aucunement sa race (comme il était d’usage de le dire à cette époque). Le 12/7/1923, elle recevra le Prix de l’Externat Saint-Maur de sa classe de 3e  aux côtés d’enfants de familles bien pesantes socialement du Rocher, tels les Philippi, Malpel, Radren ou encore les Audiberti.

Il faut croire que durant cette période coloniale, les enfants de la bourgeoisie commerçante autochtone en Algérie, bien que minoritaires par rapport à ceux de la féodalité terrienne ou foncière, se distinguaient nettement de leurs coreligionnaires par la réussite dans les études supérieures et c’est ainsi que le premier Algérien musulman a avoir son doctorat en médecine de la Faculté de Paris est Mohamed Ben Larbi qui avait son cabinet médical dès 1882 à Alger, au 14 rue d’Oran.  A 15 ans, Mlle Debèche hésita entre la formation en Droit ou en Journalisme.

Elle optera en finalité pour la seconde et à 16 ans, elle débuta comme collaboratrice sportive au Petit-Niçois, puis dans d’autres titres de la région des Alpes-Maritimes. Elle était disposée pleinement à la couverture sportive, puisqu’elle était à cette époque une véritable professionnelle du cyclisme. Elle était aussi la première femme Algérienne à entrer en course dans cette discipline.

En 1934, Djamila Debèche se fixe dans le journal Les amis des Sports de Marseille dans la chronique cyclisme. Elle suivra le Tour de France et prépare un roman sportif qu’elle comptait faire paraitre en octobre 1936. Elle dira, lors d’une de ses rencontres avec ses coreligionnaires à Alger, que : « J’ai une ambition : la politique. Je suis fière d’être arabe d’appartenir à cette race arabe que, soi-disant, on ne peut civiliser. »  Sur les colonnes du journal des informations des pays d’orient, L’Echo de la Presse Musulmane (n° 28 du 30 mai 1936) nous lisons la rubrique « La vie sportive » et sous le titre Une jolie plume, un article de Djamila Debèche sur le Français Paul Chocque qui a échoué lors d’une compétition organisée à Alger et triompha à Paris.  Au mois de juillet, couvrant le Tour de France pour le journal Provence-Sports, elle réalisera une interview de Georges Speichert qui resta dans les annales sportifs, tout en se liant d’amitiés avec le champion de France.

Au mois d’aout 1936, Debèche Djamila soumet un article à l’hebdomadaire de M. A. Griessinger, L’Echo de la Presse Musulmane, son article sur le champion belge du 30e Tour de France, Silvère Maës. En devenant une collaboratrice occasionnelle, de L’Echo de la Presse Musulmane (EPM), Debèche publiera sous le titre de Pas de munitions en Espagne, son premier article d’ordre politique dans lequel elle expose sa vision sur les événements tout en défendant la position de « neutralité » préconisée par le Gouvernement Léon Blum. Dans l’hebdomadaire de Rachid Kalafat, Debèche signera son retour en Algérie comme une seconde étape de son évolution intellectuelle. Elle s’installe à Alger en pleine effervescence sociale et politique. Politiquement, Djamila Debèche est proche de « l’étendard » de la Fédération des élus franco-musulmans et finit par se rapprocher des thèses de Ferhat Abbas, auquel adhérera le poète et journaliste Jean Mouhoub Amrouche.

Le journalisme radiophonique « indigène »

Il sera question de M. Omar Guendouz, un nom encore inconnu en Algérie dans le monde de la radiodiffusion. Cet instituteur-adjoint « indigène » à l’Ecole arabo-française d’Alger en 1923, deviendra l’Algérien le plus écouté du pays. Membre de la Société Amicale des membres de l’enseignement des indigènes en Algérie et secrétaire-adjoint (le seul arabe algérien) membre du bureau de l’association artistique et culturelle La Rachidya, le 17/12/1907, il donnera sa première conférence en langue arabe littéraire sur l’électricité et ses applications et au quotidien La Petite-République de noter à cet effet que «l’assemblée d’indigène écouta silencieuse, attentive comme si on avait disserté sur des pages du Coran ».

Une conférence, illustrée avec des vues cinématographiques et fixes et qui s’est clôturée avec un récital musical de l’orchestre du musicien israélite algérien M. Yafil.

La Rachidya, en tant qu’institution culturelle populaire avait été un réel centre de rayonnement culturel et scientifique. De « La vie des insectes utiles et insectes nuisibles » (1918) au « Ramadan à Alger. Impression d’un jeuneur » (1927), en passant par « Les Hauts-Plateaux et les arabes nomades » (1918), Omar Guendouz passe à la première radio d’Afrique, Radio-PTT-Alger créé en 1929, où il animera des causeries en arabe usuel, traduisant en même temps des communiqués, des publicités et des histoires populaires et ce à partir de 1929.

Le 10/6/1930, M. Guendouz sera le premier algérien à évoquer l’Emir Abdelkader en tant que poète du Sahara et lors d’une conférence qu’il donna au siège de la Société de Géographie d’Algérie, un organisme qui était attaché au Ministère de la guerre de l’époque.

Il était connu qu’à cette époque, chaque fois que Radio-Alger consacrait une émission aux « indigènes » ces derniers venaient en foule, partout où se trouve un récepteur, pour écouter les émissions de Guendouz. Il comprenait parfaitement le rôle de la TSF, il savait organiser les programmes à la fois attrayants et instructifs de tout temps écoutés avec une vive attention par les algériens.

Le premier speaker de l’histoire de la radio en Algérie, s’éteindra le 7/8/1940 en laissant sa place, et ce depuis 1932, a un autre algérien Salah Azrour, afin de continuer cette aventure et expérience en pleine montée des mouvements politiques antagonistes entre nationalisme indépendantiste et fascisme colonial.

Djamila Debèche, grâce à son expérience de journaliste sportive et ses amitiés avec les journalistes français d’Algérie, s’est faite recrutée sur recommandation de M. Omar Guendouz à Radio-PTT-Alger en animant une émission hebdomadaire intitulée  « chronique sociale » du mois de juin 1941 au 27/2/1944. Au total, nous avons pu compté 39 émissions, dont « promenade musicale à travers l’Algérie » (diffusée pour la première fois le 26/2/1942 et rediffusée le 27/2/1944), ou encore celle du 8/11/1942 sur « La prohibition de l’alcool parmi les musulmans ».

L’expérience radiophonique de Debèche intervenait en plein pouvoir vichyste en Algérie. Tout en restant éloignée de la mouvance nationale fasciste qui animait des émissions de l’ELAK (émissions en langues arabe et kabyle), tels que m. Chemlal ou encore le sulfureux Aït Hassène, de porte-voix de la Légion des Volontaires d’Afrique du Nord, Debèche en esprit indépendant, s’éloignait autant qu’elle pouvait des animateurs de l’organisation algérienne, que dirigeait Belkacem Radjef et Abderrahmane Belhadj, dit « Younès ».

Après l’installation du Comité Français de Libération Nationale à Alger, à sa tête les généraux Guiraud et De Gaulle, et les préparatifs de libération de la Corse et de la Provence, Debèche se consacra  à la vie littéraire féminine. C’est ainsi que le jeudi 4/1/1945, à 18h 30, elle animera à la salle de mariage de l’ancienne mairie d’Alger, sa conférence littéraire en retraçant la vie émouvante de l’écrivaine Isabelle Eberhardt. Une année après, elle décide d’entrer dans le combat social et culturel du féminisme musulman est c’est le début de l’aventure de la revue L’Action.

L’Action et la geste féministe en Algérie

Avant la Seconde guerre mondiale, il y a eu dans bon nombre de pays d’Orient une impulsion du mouvement féministe, notamment en Iran et en Egypte. Le réformisme religieux et social y était pour beaucoup avec l’emprise d’un Djamal-Eddine Al-Afghani et l’égyptien Ahmed Amin. En Egypte, on mentionne l’action de militantes d’origine chrétienne-copte, telle Malak Hefni Nasif (1886-1918) et la musulmane Houda Chaâraoui Pacha (1882-1947). Les luttes de ces dernières ne devaient pas passer inaperçues au Maghreb. En Tunisie, la bourgeoisie lettrée de Tunis et des autres villes de l’intérieur à eu son Union Féminine avec comme organe Leïla qui parue dès le mois de décembre 1936.

Bien tardif sur le plan idéel, le réformisme religieux algérien n’avait pas réussi à permettre l’émergence d’un Tahar Haddad comme ce fut le cas en Tunisie aux idées modernistes et libérales. Les « deux islams » qui traversaient la société musulmane colonisée étaient des freins socioculturels bien présents. D’un côté le salafisme malékite et rigoriste de l’Association des Oulémas Algériens et de l’autre, le maraboutisme générait par l’administration coloniale et soutenu par les plus grandes confréries religieuse traditionnelles, ne pouvaient permettre l’apparition d’une voix féminine indépendante et revendicative.

C’est en dehors de ces deux courants réactionnaires que Djamila Debèche ouvrira la voie bien originale et quoique marquée par le cumule de la tradition familiale et féodale. Elle mettra au jour son expérience féministe d’abord en dehors des structures féministes européennes qui existent déjà depuis la fin du XIXe siècle coloniale en Algérie et loin des forces politiques algériennes existantes depuis 1936. Elle lancera dès septembre 1947, la revue L’Action-El Amel, ayant comme devise « L’évolution de l’Algérie des efforts conjurés de ses fils et de ses filles » et avec une orientation idéologique panislamique moderniste s’ouvrant sur les expériences du féminisme élitiste et certes, féodale existant en Egypte et en Turquie, notamment.

Au numéro 1 de la revue (25/9/1947), une illustration à la couverture de l’édition présente la princesse Lalla Aïcha, fille du sultan du Maroc, avec une présentation de la nouvelle publication et les objectifs visés par sa parution. Le texte est signé par Debèche, la directrice de la publication et il est dit :

« Cette revue exprime le désir profond des Musulmanes algériennes de contribuer à l’organisation sociale dont notre pays a un si pressent besoin. Nous la présentions avec émotions et confiance au public nord-africain et à celui d’au-delà de la méditerranée. Puisqu’elle contribuer un sérieux et utile facteur de progrès pour le bien collectif aux côtés de toutes les activités destinées à servir cette cause !

Nous nous proposons comme ligne de conduite :

  • De nous pencher sur le sort de nos soeurs musulmanes les moins défavorisées ;
  • De nous préoccuper de ce qui concerne l’avenir de l’enfance ;
  • De nous intéresser à tout ce qui concerne de foyer musulman et la famille.

En rendant un hommage public  aux organisations et aux initiatives individuelles qui concourent au même but, nous voulons apporter notre pierre à l’édifice nouveau en voie de réalisation.
Cette revue est indispensable.
Nous adressons un appel à toutes les bonnes volontés pour seconder nos efforts.
Nous nous joignons à l’activité des militants et militantes dont l’idéal est le même que le nôtre et nous leur demandons de contribuer avec  nous une petite famille au service de l’Algérie. »

Par ce généreux appel, Debèche regroupa une petite équipe rédactionnelle qui abordera dès le 1er numéro, « l’évolution de la femme musulmane en Algérie » (Mlle Halima Benabed), «  Les femmes célèbres de l’Islam : Khadidja Bent Khouaïlid, épouse du prophète » (Zineb) ou encore, « Scènes de vie  algérienne : Chroniques et conseils » (Meriem). En plus, sur « coin du cheikh » autour du droit musulman envers la femme, le numéro annonce la tenue du 28/9 au 1/10/1947 du Congrès Féminin International à Paris et dont Djamila Debèche fera partie.

Le numéro 2 de L’Action (25/10/1947) annonce en grande pompe la tenue du Congrès en question, avec une illusion en couverture, désignant Debèche assise devant une délégation égyptienne et syrienne, bien éloignée de la délégation française. Femmes et Paix a réuni sous l’égide du mouvement « Entente Mondiale pour la Paix » composé de 53 nationaux, venues exposer les problèmes sociaux de leur pays, parmi lesquelles une Musulmane algérienne de parler de la condition sociale de la femme et de l’enfant. Sur les enseignements du Congrès, Debèche rédigea le billet en ce sens à la page.2 en notant qu’il «  a été permis à une Musulmane algérienne de parler de la condition sociale de la  femme et de l’enfant et de porter à la connaissance d’une assemblée féminine internationale des questions qui, jusqu’alors, n’avaient été débattues que dans le cadre local. »A la page 8 du même numéro 2, Debèche ajouta qu’au « Cours de ces entretiens et de ceux qu’il m’a été donnée d’avoir avec des femmes ces pays d’Orient d’autres idées maîtresses se sont dégagées à la faveur de ce Congrès : la nécessité de lutter contre l’ignorance, le droit pour les petits peuples d’accéder à une vie sociale telle que celle des autres grandes nations et, pour la femme, la nécessité absolue d’être un membre agissant et utile de la société. »Dans le même numéro, Rabia Khallef reviendra sur  les travaux du  congrès en mentionnant que Djamila Debèche c’est joint au groupe dit de l’Union française avec les représentantes du Sénégal et de la Martinique. La rédaction de la revue fera paraitre un article de la représente de l’Union Internationale de Protection de l’Enfance, madame Adela  Grondona de l’Argentine.

Le numéro 3 (25/11/1947) a été consacré à la fête religieuse d’achoura, une fête de la charité, écrira Debèche en évoquant le nouvel an musulman, un calendrier lunaire, qui, en raison des difficultés « rencontrées au cours de sa mission, quitta la ville natale « Mekka » pour aller se fixer à « El Madina ». le dernier Envoyé de Dieu prescrivit l’exode des fidèles : C’est la Hidjra. » (p. 2)

Dans le numéro 4 (1/1/1948), Djamila Debèche évoquera la disparition de Houda Chaâraoui Pacha, qui fut la première féministe arabe du Monde musulman. Elle lui consacre toute une page avec son portrait officielle de femme du sérail royal égyptien et suivie d’un article sur la Turquie kémaliste et l’éducation des masses préconisait dans ce pays. L’article est signé de la plume de la féministe turque Rosat Sirer. Un autre article portera sur Une oeuvre au profit de l’enfance argentine.

Le numéro 5 (1/2/1948) a été consacré à la fête du Mouloud (naissance du prophète de l’Islam) et intervenant sur une colonne (p. 8), Debèche évoque l’événement avec élan rappelant la solidarité sociale qui se dégage de cette fête en faveur des plus démunis. Mais ce numéro fut aussi un espace littéraire où nous retrouvons Jean Sénac, tout jeune poète, qui dédie deux textes aux titres évocateurs, à savoir Fleurs (à Mlle Djamila Debèche) et Les Deglet nour (Les dattes nour, à Mohammed Zerrouki) :

Fleurs

à Mlle Djamila Debèche
dans un même souci de Poésie
et d’Union
Il ne faut pas, mon Dieu, que ce lilas soit rouge,
et pas même la rose aux jardins amoureux.
La candeur de Vos lys s’éparpille en nos yeux.
Il ne faut pas, mon Dieu, que le lilas soit rouge,
mais permettez au moins que le narcisse traîne
Dans les désirs du soir un rubis orgueilleux,
Au fil de la pensée une douleur humaine.
Il ne faut pas, mon Dieu, que cette douleur saigne,
mais au contraire serve à des espoirs meilleurs.
Il ne faut pas, mon Dieu, que cette douleur saigne,
Notre jeunesse veut la gaieté pour enseigne
et toujours plus d’amour aux jardins de son coeur.
Il ne faut pas, mon Dieu, que le lilas soit rouge,
et pas même la rose aux jardins de nos coeurs.

L’avant-dernier numéro de la publication (1/3/1948), le numéro 6 annonce la mise en vente du premier roman de Debèche, Leïla, une jeune fille algérienne auprès des librairies à Alger, Tunis, Fez, Rabat et Tanger. On annonce la création à Oran, le premier Club Féminin Musulman d’Algérie dont le but est de venir en aide aux enfants nécessiteux des Médersas (écoles primaires franco-musulmanes initiées par l’administration coloniale-, de s’intéresser à l’orientation professionnelle des jeunes musulmanes, de préparer les jeunes filles à leur rôle d’épouse et de mère ; le Club en question disposait de cours de culture générale, de cuisine et d’arts ménagers, de couture et de puériculture. L’information est signée de la plume de Meriem, qui précise qu’à L’Action, « Où nous poursuivons une oeuvre progressiste, nous nous réjouissons de la création de ce groupement. »

Dans le billet qui lui était destiné, Djamila Debèche aborde la question de l’enseignement des musulmanes en rappelant qu’il ne faut pas commettre cette grosse erreur « que celle de dispenser la science à certains de nos enfants et de négliger les autres. »

Le n° 7 de L’Action sera le dernier. Paru le 1/4/1948, il fut un projet social appelant à un rassemblement des femmes musulmanes algériennes. Nous sommes en pleine « guerre froide » et au temps de l’escalade de la menace nucléaire. Le mouvement politique en Algérie prend le ton de la radicalisation des revendications. Djamila Debèche est au milieu de cette tourmente  culturelle et politique que le discours sur la fraternité des races et celui de l’émancipation des femmes par le biais de la voie démocratique ne semble plus audible ni contenir la colère grandissante des campagnes.

Le début des années 1950, est celui du « boum économique » en France au détriment de la surexploitation des richesse de la colonie Algérie. La décolonisation a bien sonnet son glas en Indochine et elle est le plat politique favoris des nationalistes radicaux en Algérie. Les nouvelles générations de femmes lettrés d’Algérie imposent de nouvelles orientations politiques et idéologiques et le mouvement féministe arabe te musulman n’est plus l’affaire d’une élite issue des classes féodales ou de celles de la bourgeoisie commerçante. De nouveaux modes de pensées s’allient aux nouvelles forment de revendications qui se développent rapidement et sous le regard bien retranché de Djamila Debèche.

La nouvelle littérature politique et artistique s’impose avec force. En pleine guerre de libération politique, Debèche reçoit le Prix Roberge de l’Académie française pour son second roman, Aziza, et s’éloigne de plus en plus, laissant la place à la génération d’Assia Djebar de poursuivre le chemin tracé par L’Action sur les plans littéraire et artistique.

(source https://mondesfrancophones.com)

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